Le gestionnaire de voirie (la commune, la Province ou la Région) est responsable des nids de poule et des ornières qui déforment la route. Et pourtant les victimes ne sont pas toujours indemnisées.

La loi

L’état du réseau routier et des pistes cyclables doit permettre un déroulement normal du trafic. Dès qu’elle ne présente plus les conditions de sécurité nécessaires, la voirie est (dit la jurisprudence) affectée à un vice. En d’autres termes, elle présente un caractère anormal, qui la rend impropre à l’usage auquel elle est destinée. En vertu de l’article 1384, alinéa 1er du Code civil, les autorités sont responsables des vices présentés par les choses qu’elles ont sous leur garde, même si elles ne sont pas au courant de leur existence et même si ces vices ne leur sont pas imputables. Un usager victime de dommages suite au mauvais état de la route peut donc se retourner contre la partie à qui incombe la “garde” de cette dernière (c’est à dire la commune, la Province ou la Région).

Déclaration de sinistre

Comme dans tout dossier de nature juridique, l’issue de l’action dépendra de la suffisance des preuves. Vous devrez donc toujours prouver que ses dommages sont réellement imputables au mauvais état de la voirie : à défaut, pas de cause possible ! C’est souvent là que les déclarations posent problèmes… Il faut impérativement veiller à la solidité des preuves.

Quelles sont les preuves prises en considération ?

  • Constatation par un huissier de justice (dans le cas de dommages très graves ou de lésions);
  • Constations par un agent de police. Si la police refuse de se déplacer, exigez que votre appel, de même que l’heure et la date auxquelles vous l’avez passé, soient officiellement enregistrés. Rendez-vous aussi rapidement que possible au commissariat de police pour y déposer plainte, sans oublier de faire référence à la conversation téléphonique. Un procès-verbal est indispensable !
  • Photographies. Vous prendrez, au moyen de votre GSM, des photos de l’accident, du revêtement et éventuellement, de la situation de la route. Nous vous recommandons d’être aussi complet que possible, pour fournir une image précise et objective du sinistre.
  • Vous pouvez également photographier un journal du jour, pour que nous puissions prouver la date de l’accident.
  • Témoignages : nous vous conseillons de vous adresser aux témoins de l’accident, aux conducteurs qui se sont arrêtés ou au service chargé du dépannage du véhicule. Parlez aux riverains et demandez si des cas similaires se sont déjà produits.
  • Vous devez impérativement conserver les biens endommagés, que devront pouvoir être produits en cas d’expertise.

En l’absence de preuves telle que celles-ci, le débat ne pourra pas dépasser le stade des “présomptions”, ce qui compliquera considérablement les choses. Le juge n’acceptera les présomptions qu’à condition qu’elles soient “graves, précises et concordantes” (art. 1353 du Code civil). Ainsi le juge pourra-t-il par exemple tenir compte du fait que plusieurs accidents se sont produits le même jour au même endroit, mais il n’y est pas contraint. Dès lors, si les preuves réelles manquent, l’issue du jugement sera toujours incertaine.

Vice

Vice ? Caractère anormal ? Il n’est pas rare que les autorités nient l’existence du vice en contestent l’importance. Elles sont également susceptibles d’invoquer la force majeure, en faisant par exemple valoir qu’elles ne “peuvent pas contrôler partout en même temps l’état de la route”. La présomption est donc contestable, ce qui signifie que les pouvoirs publics peuvent apporter des preuves contraires, visant à établir que le vice ne leur est pas imputable et qu’ils n’auraient raisonnablement pas pu l’éviter. C’est en fait au juge qu’il incombe de statuer souverainement sur le caractère éventuellement anormal de la chose qui est lui est soumise ; de sa décision dépendra l’issue du dossier.

Un obstacle majeur à la reconnaissance de la présomption de responsabilité réside dans l’attitude de la victime elle-même : l’autorité qui a la garde de la voirie l’accusera parfois d’être par son comportement ou sa faute, partiellement ou totalement responsable du sinistre. Auquel cas elle ne sera pas, ou pas complètement, dédommagée. Ainsi les autorités pourraient-elle vous accuser en tant que conducteur de n’avoir pas prêté attention à un vice pourtant très apparent, ou d’avoir roulé de façon téméraire. Vous devez donc apporter le plus grand soin à la rédaction de votre déclaration officielle.

Rappelons, en plus de l’article 1384 du Code civil, l’existence de la loi communale, dont l’article 135 § 2 stipule que chaque commune doit veiller à “la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques ; ce qui comprend le nettoiement, l’illumination, l’enlèvement des encombrements, […] la réparation […]”, etc… S’il est régulièrement invoqué au profit d’une victime, ce texte de loi autorise de son côté la commune à mettre en avant la force majeure ou l’aléa pour réfuter sa responsabilité. La commune fera également valoir qu’elle ne pouvait en aucun cas connaître le mauvais état de la voirie – nous en revenons alors à la question de l’importance de la preuve. Précisons que les communes sont soumises à une obligation de moyens, mais pas de résultats ou de garanties. Elles doivent certes arrêter des mesures raisonnables et prévisibles visant à assurer la sécurité de la voirie, mais il ne s’agit pas pour elles d’une obligation absolue.

Ce bref article a pour objet de vous montrer à quel point il peut être difficile d’obtenir réparation après un sinistre dû au mauvais état de la route. Si vous avez fort heureusement souscrit à une bonne Protection Juridique auto, vous pourrez compter sur leurs services, mais votre comportement en tant que conducteur après l’accident déterminera dans une large mesure le traitement qui sera réservé à votre dossier. Sans preuves, pas de recours possible !

La force de la protection juridique réside dans la solidité du dossier. Aidez-nous à vous aider !

Extrait et adaptation du Journal D.A.S. de janvier 2015